Reconnu internationalement dans les domaines de la création et l’interprétation, le double profil de pianiste et de compositeur, confère à Michaël Levinas une singularité très remarquée  au sein de la vie musicale française et internationale.

Parisien de naissance ,  Michael Levinas  a reçu  l’enseignement très classique et exigeant du CNSM (Conservatoire National Supérieur de Musique) de Paris , menant de front des études d’instrument, la fameuse classe d’accompagnement au piano, la direction d’orchestre  et les classes d’écritures  .  C’est dans cet établissement qu’Il a rencontré les maîtres qui l’ont le plus marqué, notamment les pianistes  Vlado Perlemuter, Yvonne Lefébure, mais aussi  Yvonne Loriod à laquelle il présente ses premiers essais de composition. Celle-ci le fait rentrer  immédiatement dans la célèbre classe de Composition d’ Olivier Messiaen tout en développant son répertoire pianistique et en lui enseignant le grand répertoire du XX siècle, celui de Messiaen mais aussi les œuvres de ses élèves, Boulez et Stockhausen.

Parallèlement à ces études classiques au CNSM  sa formation musicale bénéficiera  dés l’enfance d’une autre  tradition musicale que celle du CNSM celle    qui  remonte à l’école russe dont sa mère, Raissa Lévy, était dépositaire. Venue de Moscou et de Lithuanie elle  avait travaillé plusieurs années à Vienne, notamment  avec  les virtuoses et pédagogues Sirota, Isserlis  et quelques autres   des grands maîtres du piano de l’Europe centrale. Cette tradition musicale   était aussi celle de ces musiciens à la fois interprètes et créateurs.

Olivier Messiaen et Yvonne Loriod  favoriseront  plus tard chez Michaël Levinas cette  double vocation   qui exige d’un musicien  de   réunir musicalement dans un même rythme l’ascèse exigeante  des carrières  de compositeur et de pianiste.

Formé à la fin des ses études   par ces deux personnalités majeures qui insufflaient alors  un puissant mouvement de renouveau artistique et de modernité en France et dans le Monde, Michael Levinas débutait ses premières tournées de pianiste puis toujours sous l’impulsion d’Olivier Messiaen,  était nommé pensionnaire à la Villa Medicis à Rome, dirigée alors par le peintre Balthus, une autre de ses grandes rencontres.

C’est aussi le moment névralgique où il créa en 1973 avec ses camarades de cette célèbre  classe Messiaen, Tristan Murail et Gérard Grisey, l’ensemble Itinéraire, fondateur du courant spectral.
Témoin et acteur d’enjeux majeurs  de la création musicale, Michael Levinas  dirigera et présidera  cet ensemble très important durant une longue période.

Entre ses premières œuvres comme Arsis et Thésis (1971), Clov et Hamm (1973)Appels (1974), Ouverture pour une fête étrange 1979), Clov et Hamm (1973), Froissements d’ailes (1975), Concerto pour un piano espace ( 1977-1981), en passant par ses grandes œuvres pour orchestre telles que La Cloche fêlée ( 1988), Par-delà (1994), Evanoui (2009) ou tout récemment Amphithéâtre (2012), Michael Levinas est un pionnier quant au renouvellement de l’écriture instrumentale et l’élargissement de la palette sonore par  la connaissance approfondie de l’acoustique et les environnements technologiques. Ses œuvres pour ensemble, orchestre et soliste sont créées et reprises par les ensembles, festivals et institutions les plus prestigieux en France et à l’étranger : Festival de Donaueschingen, Rencontres Internationales de Darmstadt, IRCAM, Cité de la Musique, Ensemble Inter Contemporain, Ensemble Ictus, Ensemble Itinéraire, Klang Forum, Le Balcon, Radio France, Multilatérales, Biennale de Venise…
Ajoutons que dans le paysage musical contemporain, ce qui caractérise  aussi Michael Levinas est une écriture  dramaturgique, un rapport au texte, au théâtre et à la scène. ML s’est affirmé comme un  compositeur d’opéras et a reçu des commandes de scènes européennes importantes. Depuis La Conférence des oiseaux (1985), on lui doit pas moins de trois grandes œuvres lyriques, toutes créées dans de grands théâtres européens : Go-gol (1996), d’après la nouvelle de Gogol, Le Manteau ; Les Nègres sur le texte de Jean Genêt ( 2004) ; La Métamorphose (2010) d’après le récit de Kafka. Cette proximité avec le texte, la littérature, la poésie est au cœur des échanges et du lien étroit que ML a entretenus toute sa vie avec son père, le philosophe Emmanuel Levinas, qui lui aura transmis le goût des langues, de la pensée,  du risque artistique, de l’interprétation et de l’écriture.
Un nouvel opéra d’après Le Petit Prince de Saint Exupéry (commande conjointe des opéras de Lausanne et de Lille) sera créé en 2015 dans ces deux théâtres ainsi qu’au Grand Théâtre de Genève et au Chatelet à Paris, puis à Liège.

La carrière de pianiste concertiste de Michael Levinas est significative aussi par ses choix de répertoire. Révélé très tôt par un enregistrement salué par la presse des Kriesleriana et de la Fantaisie de Schumann il signe un contrat avec Lucien Ades, qui permettra à Michael Levinas d’être    le premier interprète français de sa génération après Yves Nat à enregistrer l’intégrale des 32 Sonates de Beethoven .
Quelques années plus tard, Michael Levinas enregistrera l’intégrale du Clavier bien tempéré de J. S. Bach sur piano moderne.

Michaël Levinas a poursuivi une carrière de pianiste international autour de ce répertoire auquel il joint souvent des œuvres de la fin du XXe siècle.

Si son lien privilégié avec  le répertoire classique et romantique allemand, fait de lui  un « beethovenien » qui le situe dans  la continuation de la grande lignée des pianistes du XXe siècle, il a consacré plusieurs Cds à la musique française et au répertoire contemporain (Debussy, Messiaen, Ligeti, Boulez…). L’ensemble de sa discographie se trouve chez Universal Musique, qui a souhaité marquer un temps fort de cette double carrière de Michael Levinas, celle de pianiste et de compositeur, en produisant un coffret intitulé « Double-Face » ( 2011), comportant des extraits de l’ensemble discographique.

Michael Levinas est professeur au CNSM de Paris et Membre de l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France.

A retrouver mardi 14 novembre dans Ainsi parlait Zarathoustra