Légende du rugby

La légende dit de Marcello qu’il a joué avec tellement de monde au long de sa carrière qu’il serait plus aisé de citer les absents plutôt que de faire une liste exhaustive de son palmarès;
c’est peut-être vrai.

La légende dit que ce musicien d’origine Italienne à l’allure élégante et racée joue de la basse comme un véritable pilier de rugby, comme celui qui tient l’équipe, comme une puissante colonne de soutènement sans laquelle l’immeuble ne pourrait s’élever bien haut;
et c’est vrai.

Pilier de rugby certes, pourtant Marcello ne présente qu’une carrure athlétique bien modeste, pour tout dire sa silhouette a la minceur d’un simple spaghetti.
Spaghetti peut-être mais pourvu d’une musculature aussi étonnante que discrète, dont la légende dit qu’elle lui confère la capacité  de franchir de hauts cols à vélo, sa première passion, avec une aisance et une rapidité que seuls les professionnels de la petite reine à tendance pharmacopesque peuvent concevoir;
et là encore c’est vrai.

Mais la musculature ne fait pas tout.
Pour gravir des cols il faut ne pas manquer d’air, et de l’air Marcello n’en manque pas.
D’ailleurs la légende dit de Marcello qu’il possède une véritable paire de poumons d’acier.
Pour preuve, hormis ces performances cyclistes, sa faculté marathonnienne à monopoliser la parole, ne serait-ce que lors de notre dernier Toulouse – Hambourg en bus; généreux et  passionné qu’il est de nous faire partager dans les moindres détails sa vision des choses du monde, en passant en revue les leçons du passé et ses conséquences inéluctables sur l’avenir du futur.
Ainsi donc Marcello parle beaucoup, c’est vrai, la légende le dit. Mais Marcello parle vrai, et c’est beaucoup.

Et lorsqu’il parle il y a dans le ton de sa voix cette certitude, cette assurance que seuls possèdent ces hommes qui chaque jour, à chaque instant ne cessent d’oser affronter leurs vrais doutes.
Trait de caractère de ceux qui ne se lassent pas de remettre l’ouvrage sur le métier,
de ceux qui ne se contentent pas de ce qui est acquis,
de ceux qui sans fléchir se remettent en danseuse pour changer de braquet lorsque la pente fait rage !

La légende ne le dit pas, mais sans lui l’équipe aurait assurément perdu bien des matches et l’immeuble n’aurait pas tenu bien longtemps;
sans lui les voyages en bus auraient vite perdu de leur saveur.
Sans lui le 4tet n’aurait jamais pu être ce qu’il est devenu.

La légende dit de Marcello que c’est un être entier, un être vrai;
et c’est entièrement vrai.

Texte : Benoît Corboz

A retrouver vendredi 17 novembre dans L’Homme A.