Virtuose du clavier, vagabond dans l’âme, ce pianiste de renommée internationale encouragé en 1973 par Arthur Rubinstein à se lancer dans une carrière de soliste, s’est délivré des parcours obligés.
Trente années de concerts dans les temples de la musique lui ont valu la reconnaissance du public, celle de prestigieux chefs d’orchestre comme Karajan, Herreweghe, Sawallisch, Svetlanov, Janowski, Plasson, Dutoit, Casadessus, Lombard, Gardiner… et de nombreuses distinctions musicales pour les « Vingt-quatre Etudes » de Chopin, les « Douze Etudes Transcendantes » de Liszt, les Sonates de Beethoven, les concertos de Ravel, sans oublier la parution du DVD consacré aux cinq concertos de Beethoven qui lui valut à nouveau Les Victoires de la musique en 2004.
Aujourd’hui, le besoin capital de vivre libre lui offre de nouvelles perspectives en considérant davantage la musique comme un plaisir à partager. Le choix de ses partenaires, son goût irrésistible pour le plein air et son penchant pour l’insolite, l’amènent à jouer dans des lieux souvent inattendus où la musique s’intègre à l’environnement d’un glacier, d’une grotte, d’un lac ou d’une place de village…
Pour combler son imaginaire, il aime s’entourer de la magie des feux d’artifice (de Jean-Eric Ougier) – inventeur du « pyroconcert » ! – savourer sur scène la complicité de danseurs, d’acrobates, de jongleurs ou de sportifs d’un jour, désireux d’offrir à un public de tous horizons un spectacle de musique plutôt qu’un concert.
C’est ainsi qu’il forme avec Alain Carré, comédien, un duo incontournable : plus de 100 créations au répertoire: « Rimbaud, Voleur de feu » -« Histoire de ma vie » H. Berlioz – « Le Roman de Venise » Sand, Musset,.Chopin – « l’Apocalypse de Saint Jean » – « La Nuit Obscure » – « Voyage dans la Lune » -« Les Lettres de Mon Moulin » d’A.Daudet- « paroles et Musique » J.Prévert – « Ego Hugo », sur autant de musiques de Jean-Sébastien Bach à Maurice Ravel en passant par les grands compositeurs de l’âme romantique.
Le tournant de 2003
En 1998, au moment où je jouais les concertos de Beethoven au Théâtre des Champs-Elysées à Paris, j’ai pris conscience que je voulais quitter la carrière de soliste international telle que je l’avais pratiquée jusque là. Je me suis alors donné 5 ans pour terminer mes engagements en cours, notamment l’enregistrement des concertos de Beethoven en DVD multimédia avec le chef John Nelson et l’Ensemble orchestral de Paris, à l’Opéra royal de Versailles.
En juillet 2003, j’ai donc décidé de mettre un terme à trente ans de carrière de concertiste (1973-2003), vécus comme trente ans d’une vie professionnelle qui ne me correspondait pas. Et pour en marquer le point final, je ressentais le besoin profond d’un rituel de purification.
C’est ainsi que je choisis, symboliquement, de faire déposer délicatement par hélicoptère (et non « jeter ») un vieux piano acheté chez un accordeur (et non mon propre piano) au milieu du petit lac de la Colmiane-Valdeblore dans l’arrière-pays niçois (et non dans le lac d’Annecy). Ce piano immergé a ensuite été sorti de l’eau pour devenir une magnifique sculpture, juchée à 1400 mètres d’altitude.
Ce cérémonial nécessaire pour moi devait être parfaitement privé.
Or c’est parce qu’il coïncidait avec l’opération de promotion du DVD de l’intégrale des concertos de Beethoven, qu’il s’est retrouvé, à mon corps défendant, sous les feux médiatiques ! Qui se sont enflammés !… et ont mal interprété ma démarche en me forgeant une image, non pas de sage qui se retire de la carrière internationale, mais de pianiste excentrique qui se met en scène.
Tout le contraire de la réalité, c’est pourquoi je fais aujourd’hui cette mise au point.
Cinq raisons principales m’ont fait souhaiter en finir avec ce « circuit » classique : les voyages internationaux, qui m’étaient pénibles ; les répétitions, qui m’ennuyaient ; les lumières traditionnelles des salles de concert, trop froides ; le public de la musique classique, souvent élitiste et limité aux spécialistes et enfin les studios d’enregistrement. A 51 ans, il était temps pour ma santé et pour mon bonheur que je commence à respirer et à vivre.
Comme je l’avais indiqué dans les interviews de l’époque, je n’ai pas pour autant arrêté de jouer en public, bien au contraire, puisque j’ai fait plus de 600 apparitions sur scène depuis 2003, mais voulant désormais intégrer le piano dans de nouvelles formes de spectacles – principalement avec le comédien Alain Carré – reliant musique et littérature à travers des récits historiques, d’écrivains, de poètes ou de compositeurs (plus d’une centaine de créations à ce jour).
J’aime jouer en plein air, dans la nature, ou dans des lieux insolites (notamment sur l’eau), en intégrant des éléments visuels ou vivants comme des soirées équestres, ou des mises en lumière audacieuses incluant des projections ou des feux d’artifice. Ces formules peuvent aussi se donner dans des salles traditionnelles.
En résumé, je suis aujourd’hui pleinement en accord avec moi-même. Le piano est devenu pour moi un navire magnifique, où j’essaie de conduire les auditeurs qui veulent bien me suivre dans une expérience forte et un plaisir musical que je souhaite intense.
François-René Duchâble
A retrouver jeudi 16 novembre dans Histoire de ma vie, Berlioz